Isle-Saint-Georges, "du visible à l'introuvable"

*" Cultures et traditions locales : du visible à l'introuvable" :

par Anne Marie et Jean Claude Caron, 1996 ;

 

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découvrir le livre d'Olivier Coussillan, ancien maire d'Isle Saint Georges

 

 

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Isle Saint-Georges a une population de 530 habitants et une altitude variant de 3 à 6mètres pour le bourg. Isle St Georges, une île encore séparée de la rive gauche en 1650 et rattachée depuis, c'est une théorie de M. O. COUSSILLAN qu'il a eu l'occasion d'exposer longuement dans ses ouvrages et lors de soirées archéologiques, par la projection de diapositives. Malgré tout il paraît intéressant de prendre connaissance de l'opinion de l'abbé BAUREIN, exprimée dans son ouvrage "Les Variétés Bordelaises" qui sert de référence dans de nombreux cas. Cet auteur émet deux hypothèses, soit une île "formée par la rivière", soit que "par sa situation peu élevée, elle ait été entourée, dans le principe, par les eaux des Landes qui se déchargeaient dans la Garonne. On a déjà vu, dans cet ouvrage, des exemples de divers territoires qui portaient le nom d'ISLE, quoique situés dans l'intérieur des terres." Plus loin Baurein fait remarquer, avec logique semble-t-il, que la paroisse a été le chef-lieu d'une juridiction assez étendue et qu'il n'est guère d'usage d'établir, dans une île formée par la rivière, le chef-lieu d'une juridiction qui s'étend sur la terre ferme. Il ne serait peut être pas aisé d'en produire un exemple, c'est ce qui fait douter si Isle St Georges a été une Ile proprement dite."Alors île véritable rattachée ces derniers siècles comme beaucoup d'autres îles de la Garonne ou ayant perdu son caractère insulaire depuis plusieurs millénaires ou bien une terre entourée de marécages ? Le débat reste ouvert, ce qui est certain c'est que le village est situé dans le lit majeur de la Garonne, c'est à dire dans la zone de ses débordements et que des documents du 13e siècle mentionnent l'Ilaire, "Une île entre Cambes et Isle St Georges".

Que savons-nous de l'origine de ce village ? Deux noms retiennent l'attention dans les documents anciens : "isle de pey de bordeu" dans un titre du 2 août 1301 et "isle en arruan" dans un titre du 31 Mars 1308, faisant partie de la très ancienne seigneurie de Pey (Pierre) de Bordeaux. S'agit-il de L'isle saint georges ? Ecoutons l'abbé Baurein : "Il est certain que le territoire de l'Isle St Georges est dit placé en Arruan". Isle St Georges a incontestablement fait partie de la seigneurie de Pey de Bordeaux au début du 14e siècle et s'appelait "l'Isle en Arruan", soit "la Yla en Arruan" dans la langue du pays.

Quant au mot "Arruan" M. Coussillan l'explique ainsi :ar = le et ruan viendrait de roto signifiant "g", "Passage", d'où il déduit la possibilité d'un passage à gué à hauteur d'Isle-St-Georges. Nous remarquerons toutefois que le mot "Eyrans", d'origine gallo-romaine, est un terme frontière désignant des limites de civitas. Vers 1350 la paroisse est désignée sous le nom de "sancti georgij de insula" autrement dit " saint georges de l'isle". C'est l'époque où l'Aquitaine était anglaise et St Georges est un des patrons de l'Angleterre... Une autre question se pose, c'est celle de l'établissement humain. Au fil des ans divers objets ont été découverts dans le sol, des débris d'amphores, des pièces de monnaie du 1e siècle de notre ère, des tessons et tegulae etc.

Des fouilles entreprises aux Gravettes sur la rive droite de l'estey en 1987-88 permirent la mise à jour d'une base de colonne en pierre, d'une meule à grain, d'un trou de poteau peut-être datant de l'époque gauloise. Mais il n'y a jamais eu de compte-rendu de fouille officiel, la plupart des objets trouvés ont été déposés au Musée d'Aquitaine à Bordeaux nous a-t-on affirmé, hormis la colonne qui est scellée dans le ciment, devant la mairie où on peut la voir. Des photos de ces trouvailles existent, ainsi que de nombreux autres vestiges, parmi eux un chapiteau en marbre blanc estimé du 5e siècle, qui sont en dépôt chez des personnes privées car le village n'a pas de musée ni de salle d'exposition, pour le moment. Quel que soit l'intérêt indéniable de tous ces objets dont l'antiquité ne dépasse guère les premiers siècles de notre ère, sont-ils suffisants pour prouver l'existence d'un village à cette haute époque ? Il est bon de se souvenir que l'altitude est très peu élevée, de 3 à 5 m en moyenne (le bourg est à 6m) donc il a fallut fortement remblayer pour rendre la terre habitable...Les plus anciens écrits mentionnant l'occupation humaine du terrain remontent au XIe siècle, ce sont les cartulaires de Ste Croix au sujet de l'implantation d'un prieuré. On peut penser que c'est à partir de cette époque seulement qu'une petite agglomération s'est peu à peu constituée autour de ce prieuré. Le village a pendant longtemps fait partie de seigneuries diverses, parfois il fut partagé entre plusieurs seigneurs, avant d'être finalement érigé en paroisse.

Le blason que nous connaissons aujourd'hui est de création récente, 1979 : (Dessiné par O.Coussillan). Isle-St-Georges ne semble pas avoir eu de blason plus ancien. Isle-St-Georges est situé en bordure de Garonne, traversé par un estey, le "Saucats", dont le nom ancien était "St Jean d'Etampes".

Le Bourg très ramassé sur lui-même, très dense, est bâti sur la rive gauche de cet estey au bord duquel se niche un joli et pittoresque petit port. Sur la rive droite se dresse l'église dont le haut clocher est visible de loin, quelques maisons, la mairie et les écoles ainsi qu'un lotissement au lieu dit "les Gravettes".

La commune se compose en outre de deux quartiers distants du bourg de plus ou moins 2 km, Ferrand appelé autrefois "La Tour", on y trouve un vieux puits qui donne une eau très pure, quelques jolies maisons anciennes. Des tessons de céramique du Moyen Age y ont été découverts. Il est curieux de constater que sur les anciens cadastres c'est l'emplacement actuel du Château Turpaud qui est nommé "Maison de Ferrand".

Boutric, dont le nom ancien était "Gaxion" devenu vers le 14è siècle "Botaric", possède un petit port de pêche.

"Le Camps" est un lieu-dit situé à droite du chemin de Ferrand. Si certaines personnes y voient les restes d'un fortin construit au moment de la Fronde, il semble que cette dénomination est beaucoup plus ancienne car déjà mentionnée dans des actes du 15è siècle. Difficile de savoir avec certitude son origine, souvenir perdu de fortification ou de campement militaire de quelque guerre oubliée ou signifiant simplement "aux Champs" comme le suggère M O. Coussillan dans son "Histoire" (t.1) ? De toute manière il est difficile aujourd'hui d'y voir quelque chose.

Il existe un autre endroit dont le nom peut évoquer le souvenir de vestiges militaires. Il se situe à l'extrémité Est de Lilaire, en bord de Garonne, et s'appelle "La Matte" ou "Les Mattes", c'est à dire qu'il désigne une motte, une digue ou une élévation de terre. Rien ne subsiste à cet endroit d'où on pouvait embarquer pour Cambes mais rien n'empêche de penser que c'est là que s'est élevé le fameux Fort lors des guerres de la Fronde. Nous faisons référence à la Fronde et c'est bien parce qu'apparemment c'est à l'occasion de ces troubles qu'Isle-St-Georges a eu son unique rendez-vous avec l'Histoire. Il n'entre pas dans le cadre de cet article de raconter cet épisode en détail, ceux qui sont intéressés peuvent toujours consulter l'ouvrage de M Coussillan "l'Isle en Arruan" disponible à la bibliothèque du village. C'est en 1648 qu'éclata cette sorte de guerre civile, pendant la minorité de Louis XIV et des troubles violents opposèrent le duc d'Epernon (Cadillac) au Parlement de Bordeaux. A Bordeaux on appela la Fronde "l'Ormée" car les conjurés se réunissaient sur une place plantée d'ormes. Donnons d'abord la parole à notre "historien" local : Le 22 juin 1650 les gens d'Epernon prennent le château de Isle-St-Georges qui est repris par les Bordelais le 26. Débarquent alors, par l'estey, 60 hommes et 2 chaloupes de 20 hommes, le reste de l'armée "par des sentiers inconnus" attaquent le château. Le 28 juin construction d'un Fort dans "une pointe de terre sur le bord de la rivière" car le château ne peut que difficilement défendre le fleuve, 600 hommes débarquent et le 4 Août l'église est occupée. Le 11 août voit la reddition des Frondeurs. "Les Bordelais perdirent cette île qui leur était si importante et 1200 hommes" écrit La Rochefoucault, cité par O. Coussillan qui ajoute qu'il y a eu des dégâts considérables à Boutric "autrement dit Gaxion".Quand on regarde ce petit village aujourd'hui on a du mal à imaginer comment 600 hommes ont pu débarquer ainsi et 1200 y périr, comme on a du mal à comprendre la si grande importance d'une place dont le château défensif est construit trop loin du fleuve d'où pouvait pourtant provenir le plus de danger.

Nous devons aussi admettre que Isle-St-Georges était toujours une île en 1650... Il est impossible de situer la "pointe de terre" où le Fort a été construit, "peut être sur la rive gauche de l'estey" suggère O. Coussillan. La Grande Histoire passe sous silence l'épisode de L'Isle-St-Georges par contre des auteurs anciens le citent, avec de nombreuses variantes toutefois. Citons en quelques-uns pour mémoire : "Il est probable qu'ils firent seulement rétablir et armer le Fort St Georges, que le même auteur présente comme une éminence au pied de laquelle il y avait un large fossé" (Guillon "Châteaux de la Gironde"). "Les Frondeurs décident de construire un fort sur la Rivière......Le 4 août les troupes royales occupent l'église mais essuient un échec devant le fort" (Robson "La Garonne et ses affluents") Les auteurs ont-ils confondu des sites différents, ne connaissant pas les lieux ? C'est ce que pense O. Coussillan... Petit et Anglade dans "La Seigneurie de Portets, Castres et Arbanats" situent l'épisode en 1649 : "Bataille du Tourne et Portets... Le marquis de Lusignan part de Bordeaux à la tête de 500 à 600 hommes... Le changement de courant l'oblige à s'arrêter devant Isle St Georges. De là il envoie un de ses officier en reconnaissance, une rencontre se produit à l'avantage des Bordelais" C'est à Portets qu'eut lieu la bataille, là encore les ennemis étaient retranchés dans le château...Il est impossible d'avoir une certitude sur ce qui s'est réellement passé lors de ces escarmouches, il a pu y avoir plusieurs accrochages sanglants à des dates différentes, des auteurs ont pu confondre divers épisodes et sites et les accrochages ont du être si nombreux qu'à l'époque même les choses n'étaient peut être pas toujours très claires. Pour tout compliquer Alexandre DUMAS s'est emparé de ce fait guerrier et a placé à Isle St Georges l'action de son livre "La Guerre des Femmes" et A. Dumas était plus romancier qu'historien ! C'est lui qui est à l'origine de la légende tenace d'un souterrain partant d'Isle-St-Georges pour aboutir à Cambes en traversant la Garonne, construction bien invraisemblable avec les moyens techniques de l'époque. En tout cas une tradition affirme que Dumas a bien fait un séjour à Isle-St-Georges ! Mais est-on certain qu'il n'y a pas de souterrain ? Il n'y en a aucune trace visible pour le promeneur car son entrée se situerait dans une propriété privée. Des anciens du village ont affirmé l'avoir vu, voici des témoignages rapportés par une tierce personne : "Une entrée, une arche, quelques mètres, puis des éboulements, c'est obstrué" "Partant de la Motte, Nord Ouest, il y a une voûte cintrée de 1,50m de rayon, un homme debout peu y passer". Nous n'en saurons pas plus et c'est dommage. Peut être s'agit-il seulement d'une cave voûtée après tout.

Il est question d'une "Motte", pour la voir il suffit de regarder sur la gauche en remontant la rue du Pont, on distingue nettement une élévation que les anciens appellent "le Château". Le Bourg d'Isle-St-Georges est à 6m au-dessus du niveau de la mer, la motte est à 9m. Elle est artificielle mais de quoi provient-elle ? Du creusement des douves du château féodal répondent certains, peut être bien, mais il ne faut pas oublier le grand vivier, aujourd'hui en partie obstrué, dont il a bien fallu mettre la terre quelque part. Même si c'est souvent le cas, l'existence d'une motte n'implique pas forcément la présence d'un château-fort. Les douves suivaient le tracé de la rue du Pont, tournaient autour de la motte et avaient la largeur de l'estey actuel affirme O.Coussillan dans son ouvrage (tome 1 et 2), il donne d'ailleurs la mesure précise de l'emplacement au sol de l'ensemble du château et des douves : 120m de diamètre. On imagine l'imposant édifice que devait être ce château ayant laissé si peu de traces dans l'histoire ! Lorsqu'on examine une photographie aérienne de la motte et ses environs on voit bien une ceinture plus sombre qui l'entoure mais est ce suffisant pour prouver l'existence de douves ? Ce Château Féodal qu'en est-il au juste ? Là encore n'espérez pas en voir la moindre ruine. Il en existe pourtant, nous dit-on, deux lambeaux de muraille de 1,80m d'épaisseur incorporée dans une habitation ainsi que des traces de fondations importantes mais le tout ne peut être vu car situé dans une propriété privée. En réalité on ne possède rien sur ce château féodal, aucun document, ni archives, ni actes quelconques, pas de plans, ni de descriptions soit de ce château, soit de ses ruines, le néant le plus complet jusqu'au milieu du 17e siècle, précisément à l'époque de la Fronde mais on est loin de l'époque féodale. Une autre mention se trouve dans les registres paroissiaux, en 1770 le curé de l'époque parle de "Se réfugier sur le haut du château" lors des inondations et en 1817 un écrit municipal fait état d'une "Ancienne forteresse connue sous le nom de château... quelques murs renversés témoignent de son antiquité... y existe seulement un mamelon cultivé..." C'est un certain Démons, carrier de son état, qui acheta les pierres mais force nous ait de constater que déjà il y a 177 ans les souvenirs de cet édifice étaient très vagues. De plus aucune gravure ne nous est parvenue. Impossible d'affirmer si un château-fort a, ou n'a pas, existé à cet endroit. Il y a sans aucun doute eu une construction ancienne mais de quelle époque précise ? Simple fortin médiéval abritant une garnison de quelques soldats ? Maison noble du 17e siècle ? Tant que cette absence de documents persistera il sera difficile d'acquérir une certitude.

Lorsqu'on se rend à Isle-Saint-Georges par la route de St Médard d'Eyrans on aperçoit sur la gauche une belle demeure, il s'agit du Château TURPAUD. Seul château visible du village il mérite que l'on s'arrête et que l'on prenne le temps de le regarder. Mentionné sur les anciens cadastres sous le nom de Maison Noble de Ferrand, il fut vraisemblablement construit au XVIe siècle puis remanié et agrandi au XVIIIe, c'est à partir de cette époque qu'il prit couramment le nom de "Turpaut". Il est amusant de penser que ce mot de "turpaut" veut dire "soliveau" en vieux français. Au siècle dernier il y a eu un changement de propriétaire et la maison fut presque entièrement reconstruite à partir de 1875. De l'époque ancienne ne subsiste que très peu de chose, notamment la chapelle, mais il s'agit d'une propriété privée que l'on ne peut visiter.

Le village d'Isle St Georges ne manque pas de maisons anciennes dont quelques-unes ont su conserver une certaine allure. Pour les découvrir peu à peu il faut se laisser aller au hasard d'une flânerie dans le Bourg ou dans les quartiers plus éloignés de Boutric et de Ferrand. Nous ne résisterons pas au plaisir de vous parler de quelques-unes d'entre elles. Par exemple celle qui est située à l'entrée de la rue du Port et qui possède quatre magnifiques cheminées sculptées. Ou bien encore celle sise au n° 6 de la rue du Pont, de style XVIIIe, qui n'est autre que l'ancien Hôtel St Georges qui a cessé son activité avant 1914 mais dont l'inscription a subsisté longtemps après, puisque beaucoup de Lillais s'en souviennent.

Une des plus curieuses est sans contestation possible la VILLA VERDELET qui tire son nom de son propriétaire-constructeur, négociant en vins de Bordeaux, qui fit bâtir cette maison à la fin du XIXe siècle. Cela ne saurait étonner d'ailleurs, tant elle est au goût de l'époque avec deux tours, l'une octogonale et l'autre carrée, un toit pointu et une imitation de créneaux. Pour faire bonne mesure son concepteur y a ajouté une profusion de sculptures, innombrables barriques et grappes de raisins bien sûr, mais aussi hauts-reliefs représentant Jeanne d'Arc et Saint Georges. Tout cela forme un ensemble curieux, baroque mais non dépourvu de charme. Ajoutons qu'elle est très facile à trouver car elle a donné son nom à la rue, dans le centre du bourg, rue Villa Verdelet !

L'école du village se trouve dans l'ancienne villa PELLETAN qui était aussi la mairie jusqu'à ces dernières années. C'est une jolie bâtisse qui, bien que de style XVIIIe, n'a été construite qu'en 1825. Ce domaine s'étendait depuis le Château LAMOTHE jusqu'à la Garonne mais il fut victime de morcellements successifs dus à des problèmes d'héritage, la commune en acheta une partie en 1879.

Face à cette villa Pelletan et derrière l'église s'élève l'ancien Presbytère. Bâtiment haut et étroit, il a était construit en 1905 dans un style néogothique et sert aujourd'hui de Mairie. C'est une heureuse initiative qui a permis sa restauration. Le village ne possédait pas de presbytère avant la construction de celui-ci, il était simplement loué dans une maison du village, au n° 4 de la rue de Touyac.

Si les maisons du Port sont pour la plupart assez vieilles certaines ont subi des transformations qui leur ont fait souvent perdre de leur cachet et n'ont plus rien de remarquable dans leur architecture. Par contre il semble difficile de ne pas mentionner la jolie Chartreuse XVIIIe qui s'élève en bord de Garonne, du côté de Boutric, au lieu dit de MONTIGNY du nom de la famille première propriétaire du lieu. Les maisons anciennes ne sont pas les seuls vestiges intéressants que l'amateur pourra découvrir en venant à Isle-St Georges. A la sortie du village, sur la route d'Ayguemorte, on remarque une "Croix de Mission" en fer forgé, au pied de la digue qui longe l'estey, joliment entourée de rosiers. Cette croix du siècle dernier fut l'œuvre du forgeron local. Une autre croix, en pierre celle-là, se trouve dans le virage, au carrefour de la route de St Médard et du chemin de Ferrand. En face du château Turpaut, en bord de route au lieu-dit "Pierrefort" précisément, on remarque aussi une colonne en pierre dont le style rappelle celui de la colonne romaine exposée devant la mairie. Socle d'une ancienne croix ? Près de cet endroit s'élevait jusqu'au XVIIe siècle une chapelle, la Chapelle de Balach.

Isle-St-Georges est parcouru par de très nombreux petits rus, ou rouilles, car c'est une terre marécageuse qui a besoin d'être drainée et qui est traversée par plusieurs esteys. Pourtant il y a peu de ponts anciens, jusqu'au XIXe les gens traversaient à gué les petits cours d'eau. Parmi les plus vieux ponts encore visibles de nos jours citons le pont de Ferrand attesté en 1775 et le pont de Boutric qui semble très vieux et qui a sans doute était plusieurs fois élargi.

Dans le Bourg, le pont dit "du moulin", dont on peut voir encore la voûte de pierre. Ce pont a été élargi en 1894 par les poutrelles métalliques et les rambardes en fer que l'on peut voir aujourd'hui. Tout à côté de ce pont on trouve une écluse dont les grandes portes de métal s'ouvrent ou se ferment selon les marées et qui offre parfois le spectacle fascinant d'une cascade écumante. Quant au moulin il n'en reste plus de trace. Brûlé en 1897 ses ruines ont été démantelées en 1950 pour raison de sécurité et les pierres ont servi à rehausser le chemin d'Ayguemorte. Si on tourne tout de suite à gauche après avoir passé le pont, en prenant le petit chemin de terre, on trouve un autre vieux pont qui enjambe le ruisseau qui reliait le Saucats à l'ex vivier (anciennes douves ?), à demi enterré ; on peut encore voir deux arches en plein cintre et un joli portail monumental en fer forgé du XVIIIe siècle qui ouvre sur un ensemble de jardins potagers. On nous a affirmé qu'il n'y a jamais eu là de constructions, ce portail protégeait seulement des jardins. Il est dommage qu'un entretien de sauvegarde ne soit pas envisagé.

En se promenant dans le Bourg on remarque la rue du Puits, sur la droite (si on l'a prise depuis le début), on découvre les vestiges d'une ancienne fontaine, peu de choses peut-être mais qui méritent le détour. Il est difficile de parler d'un village sans parler de son église, car celle ci en est souvent le centre, la pièce maîtresse de son patrimoine.

L'église d'Isle-Saint-Georges est fermée pour raison de sécurité publique, depuis plusieurs années, dangereusement fissurée, des pierres se sont déjà détachées de la voûte et elle est en restauration. Cette église est caractérisée par son très haut clocher néogothique, construit au milieu du siècle dernier en remplacement du clocher-mur ancien. A cette époque l'église a été entièrement remaniée, on a agrandi un bas-côté, on en a construit un autre, on rehaussa les murs de la nef et on construisit des voûtes. Que reste-t-il de l'église ancienne ? Les fondations, une partie du dallage du sol fait de grosses pierres, des fragments de murs sur lesquels on voit trace des transformations subies, par exemple sur le mur sud une fenêtre et une petite niche murées. Les pierres de l'ancien édifice ont été remployées, c'est ainsi que l'on peut voir des fragments de pierre blanche et noire incorporés dans le mur extérieur, côté nord. De ce même coté mais plus haut, on peut lire une date : "1640". Tandis que de l'autre côté, en bordure de la route, une inscription gravée dans la pierre intrigue souvent le visiteur : "Sous C'est Arceau Repose Pierre Girard Décédé le 19 9bre 1850 Priez Pour Lui S.V.P." L'explication qui nous en est donnée est simple, en 1850 le cimetière entoure l'église, en 1853 en raison des travaux d'agrandissements de l'église le cimetière est translaté chemin de Ferrand mais le nouveau mur passe juste au-dessus de cette tombe récente et la famille a du s'opposer à la translation. Voilà comment un simple habitant du village fut sauvé de l'oubli ! Au-dessus de la petite porte d'entrée, côté sud, on voit un haut-relief représentant St Georges terrassant le Dragon. Cette sculpture est très ancienne, puisque récupérée sur l'église primitive, elle date du XIVe siècle et on peut remarquer que St Georges porte un casque typique de l'époque de la guerre de cent ans. Elle mériterait d'être sauvegardée et protégée des intempéries et des déprédations à venir, voire un classement par les Monuments Historiques. A l'intérieur de l'église subsistent des peintures du XIXe comme les 12 quadrilobes représentant les 12 apôtres dont certains visages sont d'une grande finesse d'exécution. Nous avons le regret de constater que certains ont été endommagés irrémédiablement par la pose de témoins puis des pièces de bois, lors de l'étaiement d'urgence. Une grande fresque située au-dessus de l'autel, de même époque que les 12 médaillons, n'a semble-t-il pas trop souffert. Il s'agit d'une autre représentation de la légende de St Georges et du Dragon. Le Saint est ici représenté portant un casque ailé, évoquant un casque gaulois. Une autre peinture retient l'attention, elle se trouve sur la porte de la sacristie et se trouve être du XVIe. Il s'agit de la représentation de sainte Catherine, portant une palme et tenant une épée à la main. Les vitraux sont signés du maître verrier Joseph Villiet et datent de 1864. Certains sont très beaux, avec des couleurs franches et lumineuses. Deux d'entre eux représentent l'archange St Michel, souvent assimilé à St Georges. Celui-ci n'est pas oublié, il figure sur un vitrail dans le clocher qui ne porte pas de signature. St Georges y porte un casque qui évoque plus ou moins le bonnet phrygien. St Georges est à la fois le patron de l'église et de tout le village. C'est un saint oriental du IVe siècle. Son nom est tiré de Gé, ou Gaïa, qui était la Terre pour les anciens Grecs et qui représentait l'élément primordial d'où étaient issues les races divines. Il est devenu le patron des agriculteurs, un des patrons de l'Angleterre et celui de très nombreux ordres de chevalerie. Il a donné son nom a une région de l'ex URSS, la Géorgie, où une coutume veut que pour la St Georges le 23 Avril, on habille un jeune homme de branchages verts et on le jette à l'eau (souvent en effigie de nos jours) en rite de purification et de fécondité. Aujourd'hui l'église est vide, son mobilier a été dispersé en différents endroits. Parmi ce mobilier la maquette d'une frégate du XVIIIe siècle, offerte en ex-voto, selon la tradition par le corsaire Charles Cornic, natif de Morlaix mais établi à Montigny. Cet ex voto est visible pour le moment à la Bibliothèque du village. Les vitraux ont été restaurés grâce à l'ARS qui est une Association qui s'est donné pour but de récolter des fonds afin d'aider à la sauvegarde de l'église. Parmi le mobilier il y a quelques pièces anciennes, par exemple deux statues en bois doré du XVIIe siècle qui sont fort belles, elles représentent la Vierge et St Joseph.

Nous terminerons ce chapitre de l'église en signalant qu'en 1959 a été placé à l'entrée du clocher un repère de cuivre qui est un point géodésique servant pour les relevés cartographiques.

Le village, qui s'élève à quelques centaines de mètres de la Garonne, possède un petit port sur le Saucats, estey qui traverse le bourg. Ce port a été aménagé au siècle dernier par la création de quais vers 1824, agrandi et amélioré en 1883, une partie en a été classée "Site Protégé" et ce port est devenu officiellement "Halte Nautique" depuis 1979. Il abrite quelques petites barques et deux ou trois beaux voiliers y prennent habituellement leurs quartiers d'hiver.Existait-il un port à Isle-St-Georges avant le XIXe siècle ? Cela peut sembler douteux puisqu'en 1722 c'est du port de Beautiran que les gens de La Brède, St Médard d'Eyrans, L'Isle-St-Georges et "autres lieux voisins" embarquaient leurs marchandises. Le mauvais état du chemin du Port (de Beautiran), impraticable l'hiver, oblige les particuliers à laisser périr les denrées chez eux, ne pouvant les embarquer depuis ce port. (Archives Départementales, Documents réunis par J. Valette)

L'Isle-St-Georges est une des plus petites communes du canton et elle a aussi des atouts. Un port et une rivière qui coule en son centre, une grande place aménageable autour de l'église, la Salle des Gravettes, une Bibliothèque municipale et des associations actives : Le CLAS (association sportive) une Maison des Jeunes et de la Culture, un Comité des Fêtes. C'est un village qui mérite qu'on porte une attention particulière à son aménagement afin de préserver tout son pittoresque.

Pour ces articles nous avons consulté les ouvrages suivants :

"La Seigneurie de Portets, Castres et Arbanats" PETIT et ANGLADE

"Bordeaux Antique" R. ETIENNE

"Bordeaux pendant le Moyen Age" Ch. HIGOUNET

"L'Isle en Aruan" (t. 1 à 5) O. COUSSILLAN

"Les Variétés Bordelaises" Abbé BAUREIN

"Traité d'Histoire des Religions" M. ELIADE

Archives Départementales - Documents réunis par J. VALETTE

 

 

 

ERRATUM

précisions et rectifications apportées par Thierry Mauduit

 

 

Aujourd'hui, après pas mal de recherches de terrain, on ne peut nier une antériorité d'occupation humaine qui remonte au moins au VIIIe siècle avant J.-C., de même que l'importance de cette occupation (continue depuis le Bronze final, les deux âges du Fer, l'antiquité jusqu'au IVe siècle, puis le Moyen Âge depuis le Xe siècle. La seule incertitude réside dans une période comprise entre le Ve et le Xe siècle), sur une superficie totalement occupée d'environ 12 à 15 ha pour les périodes gauloises et gallo-romaines, ce qui en fait un site majeur en Gironde. A l'appui de ces affirmations, je mentionnerais les nombreuses trouvailles de mobilier protohistorique et antique réalisées par Olivier Coussillan, les fouilles et sondages de 1985 à 1987 qui ont montré une stratigraphie importante sur près de 1,50 m de profondeur pour ces mêmes périodes (à signaler d'ailleurs, parmi les nombreuses erreurs de l'article de AM et JC Caron, que la base de colonne romaine n'a pas été trouvée lors de ces opérations mais pendant des travaux de réseaux d'assainissement dans le bourg. Egalement la quantité impressionnante de matériel archéologique mis au jour lors de la fouille de 1987 sur le secteur d'habitat des "Gravettes", au contraire de la simple meule à grains et du trou de poteau évoqués par l'auteur. Tout ce mobilier est actuellement à l'étude à Ausonius par les étudiants de Bordeaux III sous la direction d'Anne Colin), ainsi que les prospections géophysiques et de collectes de mobilier, les surveillances de travaux et les fouilles menées en collaboration avec l'Université Bordeaux III, depuis 2003. (sur ce sujet, des rapports sont transmis annuellement à la DRAC ; et des publications sur le Bilan Scientifique du SRA.)

Autre erreur à mentionner, je préciserais pour répondre aux doutes émis par l'auteur concernant la faible altitude du site (3 à 4 m), qu'à cette époque le niveau de la mer était bien plus bas qu'il ne l'est aujourd'hui et donc qu'il n'a pas été nécessaire de "fortement remblayer pour rendre la terre habitable" comme l'indique un peu ironiquement l'auteur AM et JC Caron .

Quant à l'existence du château et à l'importance de la seigneurie, je suggère simplement de prendre en compte les archives longuement étudiées par Olivier Coussillan qui en font état, et qui, par exemple, mentionnent le comblement des douves de grande largeur après 1839. D'ailleurs un simple regard sur une vue aérienne ou sur le cadastre suffit à lever le doute. (fin de texte de Thierry Mauduit) .

 

 

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